Quoi qu’il en soit, sa thèse se recommande par plusieurs notions nouvelles et importantes. J’en citerai deux seulement : celle des fonctions à espaces lacunaires, qui avait beaucoup frappé Hermite, et celle des fonctions algébroïdes, qui est appelée à jouer en Analyse un rôle des plus essentiels.
Les deux Mémoires que je viens de rappeler décelaient un esprit original et profond et étaient le présage certain d’un bel avenir scientifique. Poincaré était tout désigné pour l’Enseignement supérieur. Aussi, quelques mois à peine après sa soutenance, le 1er décembre 1879, il était chargé du Cours d’Analyse à la Faculté des Sciences de Caen. Dans la période de six mois où il exerça les fonctions d’ingénieur des mines, et où il fut chargé en cette qualité du sous-arrondissement minéralogique de Vesoul, il se fit remarquer par son sang-froid et son amour du devoir. En dépit du danger qui le menaçait, il descendit dans un puits de mine, où une explosion de grisou avait fait 16 victimes et allumé l’incendie.
Quand je me reporte à cette année 1879, je songe aux espérances qu’elle nous donnait pour le développement des hautes études mathématiques dans notre pays. Deux géomètres, un peu plus jeunes que Poincaré, faisaient comme lui, et contre leur gré peut-être, l’ornement de nos Facultés de province. Pendant que Poincaré était à Caen, Paul Appell professait la Mécanique rationnelle à Dijon, Émile Picard enseignait l’Analyse infinitésimale à Toulouse. Berthelot, à qui ses fonctions d’inspecteur général donnaient autorité dans l’Enseignement supérieur, n’avait pas voulu que l’on pût reprocher à la Faculté de Paris de se recruter exclusivement en dehors des Facultés de province, et on lui avait donné satisfaction. Nos deux Confrères durent quitter Paris. Mais les règlements ne peuvent rien, le plus souvent, contre le mérite supérieur et la force des choses. Deux ans après, les trois jeunes gens nous revenaient pour rester définitivement attachés à la Faculté de Paris. Poincaré, en particulier, était nommé maître de