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LXVII
DE JEAN-BAPTISTE DUMAS

éprouvé pour Dumas les sentiments qu’il avait éprouvés lui-même pour les grands maîtres Cette éloquence émue, cette raison hardie mais sûre d’elle-même, ces séries de vérités inductives aujourd’hui démontrées, cet enseignement aux grands horizons, tout cela faisait de lui un de ces qui suscitent les vocations scientifiques. »

Écoutez-le maintenant à l’École de Médecine. « Au milieu d’un amphithéâtre envahi, débordant jusque dans ses approches d’une jeunesse avide d’idées et de spectacle, dit M. Armand Gautier, son second successeur chaire qu’il occupe encore aujourd’hui, Dumas arrivait, irréprochable de tenue, maître de son émotion, un peu solennel. Le tumulte se figeait aussitôt sur place. Il commençait à voix basse, très basse, et de son auditoire silencieux l’ardente attention et s’élevait lentement avec la pensée du rnaître. peu à peu sa voix grandissait ; sa parole prenait la couleur et l’éclat.sa période se déroulait plus large, plus pressante puis, dans un merveilleux tableau, portait tout à coup jusqu’au fond des esprits la vision intérieure d’une vérités nouvelle. L’amphithéâtre éclatait en applaudissements. À cette ardeur de la jeunesse, Dumas, s’il l’eût fallu, aurait réchauffé la sienne ; mais, maître de sa flamme comme de son sujet, brûlant de sa passif contenue, à mesure qu’il parlait les choses, s’aninaient, se remplissaient de l’émotion, des doutes, du triomphe de chaque inventeur. L’auditoire suivait le drame, attentif, préoccupé et, triomphant à son tour, faisait résonner ses bravos. La brillante leçon se poursuivait ainsi, vivante, mesurée, ne développant que l’indispensable, reliant tous les faits à la pensée doctrinale qui en était l’âme et laissant aux esprits la pleine satisfaction d’une conquête faite par eux-mêmes. On se donnait, rendez-vous à la leçon prochaine ; on voulait. savoir la suite et la fin. Mais ou est la fin de l’éternelle vérité ?… Ah ! la belle tradition que l’on garde dans notre Faculté de Médecine de ce puissant enseignement ! »