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éloge historique

pareille occurrence il n’eût pas été galant d’insister trop sur son bon droit.

Cette sorte de magistrature à laquelle il se trouva porté, tenait à ce que, dès-lors, sa figure, sa contenance, étaient faites pour imposer du respect, en même temps que sa bonté soutenue captivait l’amitié. Il donnait aux sauvages des outils d’agriculture, des graines de plantes potagères, des animaux domestiques ; il veillait à ce qu’on ne les maltraitât point, et même à ce qu’on les traitât avec indulgence, lorsque les torts étaient de leur côté. S’il existe dans la nature une prééminence naturelle, c’est bien celle qui est fille à-la-fois et de la force d’ame et de la bienfaisance.

Ses récoltes pendant les trois années que dura le voyage, en objets de toute espèce, furent immenses, bien qu’il en ait perdu une partie lors de l’accident arrivé au vaisseau. Longtemps on espéra que Solander et lui en feraient jouir le public ; et il est difficile de savoir. ce qui les en a empêchés. Solander n’est mort qu’en 1782, et il aurait pu disposer de dix ans, pour sa part, dans ce travail : d’ailleurs leur journal commun, leurs notes, tous les dessins faits sous leurs yeux, existent encore dans la bibliothèque de M. Banks. On avait même commencé à exécuter des gravures qui devaient être portées à deux mille ; mais, au grand déplaisir des naturalistes, il n’en a rien paru, du moins sous les auspices des auteurs. Peut-être M. Banks jugea-t-il que ses richesses n’en profiteraient pas moins à la science, quand il ne les mettrait pas en œuvre lui-même. Un des traits les plus remarquables de son caractère fut la générosité avec laquelle il communiquait ses trésors scientifiques à quiconque lui paraissait digne d’en faire usage. Fabricius a disposé de tous ses insectes. Il avait donné à notre confrère Broussonnet, pour l’ichthyologie qu’il avait commencée, des échantillons de tous ses