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attribuer cette diversité de couleurs ou de sensations produites sur l’organe de la vue à des différences de masse ou de vîtesse initiale des molécules lumineuses ; car il en résulterait que la dispersion devrait toujours être proportionnelle à la réfraction, et l’expérience prouve le contraire. Alors il faut nécessairement admettre que les molécules des rayons diversement colorés ne sont pas de même nature. Voila donc autant de molécules lumineuses différentes qu’il y a de couleurs, de nuances diverses, dans le spectre solaire[1].

Après avoir expliqué la réflexion et la réfraction par l’action de forces répulsives et attractives émanant de la surface des corps, Newton, pour concevoir le phénomène des anneaux colorés, imagina, dans les molécules lumineuses, des accès

  1. Les géomètres, dans leurs recherches sur les vibrations des fluides élastiques, ont été conduits à cette conséquence que les ondulations de diverses longueurs se propagent avec la même vîtesse. Mais, en admettant ce résultat pour un fluide homogène, on ne doit pas en conclure que la même chose ait lieu lorsque ce fluide est interposé entre les particules d’un corps beaucoup plus dense et d’une élasticité toute différente. Il est très-possible que le retard apporté par ces obstacles dans la marche des ondes lumineuses varie avec leurs longueurs, comme avec la forme, la masse et les intervalles des particules du milieu. Et si la dispersion, le phénomène le plus irrégulier de l’optique, n’a point encore été expliquée dans la théorie des vibrations, on ne peut pas dire cependant qu’elle est en contradiction avec ce système. La théorie newtonienne n’en fait pas mieux connaître les lois elle suppose que les attractions que les corps exercent sur la lumière varient avec leur nature et suivant des rapports différens pour les diverses espèces de molécules lumineuses mais peut-on appeler explication ce qui ne simplifie en rien la science et remplace les faits par un nombre égal d’hypothèses particulières !


    Nota. Depuis la rédaction de ce Mémoire, j’ai remarqué que, dans le cas même où l’on pourrait considérer le milieu vibrant comme homogène, pour simplifier l’hypothèse qui sert de base aux calculs, le résultat obtenu par les géomètres ne serait exact qu’autant que la sphère d’action réciproque des molécules du fluide élastique serait très-petite relativement à la longueur d’une ondulation. Dès que l’étendue de cette sphère d’activité n’est plus négligeable vis-à-vis la longueur d’ondulation, il n’est plus vrai de dire que les ondes de différentes longueurs ou largeurs se propagent avec la même vîtesse. J’ai montré par un raisonnement très-simple, dans mon Mémoire sur la double réfraction, qu’alors les ondes étroites doivent se propager un peu moins vite que les ondes plus larges, conformément à ce qu’on observe dans le phénomène de la dispersion, considéré sous le point de vue de la théorie des ondes.