Mais l’état où il retrouvait ses propriétés, et son pays adoptif, ne fut pas la dernière de ses misères.
Les commissaires, rentrés en triomphe dans la ville à la tête des hommes de couleur, firent arrêter tous les blancs qui avaient été membres des autorités ; les magistrats du conseil supérieur, objets plus particuliers de la vengeance des mulâtres, à cause du jugement qu’ils avaient prononcé contre Ogé, furent mis au cachot. M. de Beauvois, l’un d’eux, fut enfermé pendant plusieurs jours avec le doyen du conseil, vieillard de quatre-vingts ans, dans un souterrain humide où les rats et les blattes les dévoraient. Sans cesse menacé du dernier supplice, il fut assez heureux pour qu’une mulâtresse, qui avait appartenu à son oncle, obtint pour lui de n’être que déporté de la colonie ; mais il lui fut lait défense de reparaître, si ce n’est quatre ans après la paix générale. Il se hâte de fuir, comptant encore retrouver sur son vaisseau les effets qu’il avait apportés des États-Unis : vain espoir ; le vaisseau était parti pour le Port-au-Prince, et en route il avait été pris par des corsaires anglais : enfin, pour comble d’infortune, le navire sur lequel on le déportait fut pris lui-même par un autre corsaire anglais qui dépouilla les déportés de tout ce qui leur restait. Il ne laissa à M. de Beauvois qu’une petite malle, à l’ouverture de laquelle il aperçut heureusement un diplôme de franc-maçon : c’est avec cette petite malle et dix francs en monnaie que M. de Beauvois revint à Philadelphie.
Les ministres français de cette époque se gardèrent bien d’accueillir un déporté de Saint-Domingue. Il ne put recevoir aucun secours de France où on l’avait inscrit sur la liste des émigrés et séquestré ses biens. Son unique ressource