Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 4.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
cccxxxix
éloge de m. de beauvois.

sent avec les prétentions des blancs. Le mécontentement de ceux-ci augmentait sans cesse. Des commissaires envoyés de France, les trop fameux Polverel et Santhonax, mal accueillis par eux, s’appuyèrent sur les mulâtres. La discorde entre les castes augmenta partout ; elle éclata en diverses occasions par des combats sanglants. Enfin, après plusieurs mois de désordre, le commandant des troupes, Galbaud, gagne par le parti de Saint-Marc, s’étant prononcé contre les commissaires, fut mis, par leur ordre, aux arrêts sur la flotte. Tout prisonnier qu’il était, il réussit à insurger les équipages ; il fit avec eux une descente dans la ville du Cap, s’empara des forts, et mit les commissaires en fuite. Les mulâtres, pour les secourir, soulevèrent les esclaves. Galbaud à son tour, avec ses officiers, se sauva sur les vaisseaux. Les matelots et les nègres, également sans conducteurs, se livrèrent à l’envi au pillage ; et au milieu de cette confusion, le 21 juin 1793, la ville du Cap devint la proie d’un horrible incendie.

M. de Beauvois, que les commissaires avaient rappelé de sa mission, arriva des États-Unis le troisième jour après cet événement.

Une épaisse fumée couvrait encore la ville. Il la traversa au milieu des ruines et des cadavres, et, ce qui lui parut encore plus affreux, au milieu de bandes d’esclaves des deux sexes, livrés à toutes les fureurs de l’ivresse et de la débauche. C’est ainsi qu’il parvint jusqu’aux restes enflammés de la demeure qu’il avait occupée, et n’y trouva plus que les cendres de ces collections, de ces ouvrages, pour lesquels il avait consumé tant d’années et enduré tant de souffrances.