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éloge de m. de beauvois.

La religion, cette mère de la civilisation, était restée sans action sur eux. Il avait vu dans la ville d Oware la croix que les missionnaires portugais y ont plantée autrefois, adorée encore, mais en qualité de fétiche ; l’autel, les bénitiers qu’ils y ont laissés, servir à des opérations de magie, et, comme il le dit lui-même, le temple du vrai Dieu consacré au culte du démon. Les mahométans, qui avaient moins de répugnances à vaincre pour convertir les nègres, n’ont pas eu plus de succès que les chrétiens ; et toute l’influence de leurs prêtres se borne à vendre chèrement des passages du Coran, écrits sur des morceaux de papier que l’on emploie comme amulettes. M. de Beauvois se persuadait donc que cet état humiliant et dégradé tient à la nature même de l’espèce ; que ce caractère est indélébile, et qu’il doit s’en conserver des traces dans tous les produits où il reste quelques traces du mélange du sang.

Il oubliait trop combien tous les hommes, et les blancs comme les autres, peuvent être profondément modifiés par les préjugés dont ils sont imbus dans l’enfance. Les Égyptiens, que personne n’accusera d’avoir manqué de dispositions intellectuelles, ont conservé jusqu’à Constantin le culte des animaux ; le prince le plus célébré par les poètes, à l’époque la plus brillante des lettres, l’empereur Auguste a fait sacrifier des hommes aux mânes de son père adoptif ; il a refusé deux fois des fêtes à Neptune, pour le punir, disait-il, d’avoir deux fois fait périr sa flotte. Qui oserait, après cela, faire des reproches au roi des Aschantes ou à celui de Benin, et croire que leur ignorance ou leur cruauté tient à leur organisation ? Enfin, quand il serait vrai que les nègres appartinssent à une autre espèce que nous, ne suffit-il pas qu’ils