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cccxxxiv
éloge de m. de beauvois.

Il avait vu en Afrique les deux tiers de chaque peuplade, réduits à l’esclavage le plus absolu : il avait été témoin de la manière atroce dont les chefs en usent avec ces malheureux, que l’on enterre vivants avec les corps de leurs maîtres, que partout la superstition fait sacrifier en grand nombre, au milieu de tourments horribles ; dont on vend encore la chair dans quelques contrées. Lui-même, dans une fête que donna l’un des ministres du roi de Benin, en avait vu égorger trois ; et le roi, peu de temps après, en fit sacrifier quinze. Rempli d’horreur à de tels spectacles, il était naturel qu’il regardât les esclaves que l’on vendait aux chrétiens, comme plus heureux que ceux que l’on gardait dans le pays : et s’il avait songé qu’en Afrique il n’est point d’homme libre qui ne soit exposé à devenir esclave, ou par le sort de la guerre, ou par les jugements si souvent iniques des grands ; s’il avait lu la relation que vient de donner M. Bowdich, et avait vu ces misérables auxquels, avant de les offrir en sacrifice, on passe des couteaux ; au travers des joues et des épaules, et que l’on traîne ainsi, tout sanglants, parmi les flots d’une populace que cet aspect remplit de joie ; s’il avait su qu’à certain jour marqué, et à un signal donné, le roi des Aschantes, pour procurer à ses entreprises la faveur des dieux, fait égorger subitement non seulement tous les esclaves, mais tous les hommes libres que l’on rencontre dans les rues, il aurait sans doute étendu son opinion à tous les habitants.

Il pensait même que la traite, en donnant de la valeur aux hommes, engageait les princes nègres à les épargner, et que sans elle ces horribles cruautés se multiplieraient à l’infini, opinion qui semble confirmée par le propre discours que le