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éloge de m. delambre.

triompher de tous les obstacles, montrait les instruments, en indiquait l’usage ; et, pour me servir de ses propres expressions, il entreprit de donner sur les places de Lagny, d’Épinay, de Saint-Denis, des leçons de géodésie astronomique, et il parvint à convaincre quelques-uns de ses auditeurs. Mais des scènes aussi fatigantes et aussi dangereuses s’étant renouvelées, on fut réduit à discontinuer le travail. À la vérité ce premier obstacle ne fut pas durable, et l’on permit à Delambre de poursuivre ses premières opérations ; mais peu de temps après il eut à supporter une persécution plus longue et plus odieuse. Il fut exclus, sous les plus vains prétextes, de la commission qui présidait à l’établissement des nouvelles mesures. Dans cette décision dont le texte a été conservé, on lui fait un crime de ses opinions modérées, et en conséquence on lui interdit de concourir à la mesure de la méridienne. Ce même ordre exclut Borda, Delambre, Coulomb Laplace et Lavoisier ; il porte la signature de Robespierre, de Billaut-Varenne, de Couthon, de Collot-d’Herbois. Qui ne serait frappé, Messieurs, de ce rapprochement fatal de noms illustres et de noms terribles ! Mais je n’arrêterai pas davantage votre attention sur des temps funestes qui sont déjà loin de nous ; l’histoire des sciences ne se plaît que dans les souvenirs de la concorde publique.

Delambre, qui avait dû concevoir de vives inquiétudes, s’attacha à se faire oublier. Rendu à ses occupations sédentaires, il partagea sa vie entre les sciences et les lettres. Les Muses ornèrent une seconde fois sa retraite ; elles avaient encouragé sa jeunesse, elles le consolèrent dans l’âge mur ; les Muses sont hospitalières ; elles donnent asyle à toutes les infortunes ; files accueillent le mérite outragé, et l’élèvent au-