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lire des campagnes du grand Frédéric, proclament hautement la parfaite inutilité des places fortes. Le gouvernement paraît souscrire à cette étrange opinion ; il n’ordonne pas encore la démolition de tant d’antiques et glorieuses murailles, mais il les laisse tomber d’elles-mêmes. Carnot résiste à l’entraînement général, et fait remettre à M. de Brienne, ministre de la guerre, un mémoire où la question est examinée sous toutes ses faces avec une hardiesse de pensée, avec une ardeur de patriotisme, d’autant plus dignes de remarque que les exemples en étaient alors devenus fort rares. Il montre que dans une guerre défensive, la seule qu’il conseille, la seule qu’il croie légitime, nos forteresses du Nord pouvaient tenir lieu de plus de cent mille hommes de troupes réglées ; qu’un royaume entouré de nations rivales est toujours dans un état précaire quand il n’a que des troupes sans forteresses. Abordant enfin la question financière, Carnot affirme (ce résultat, j’en suis convaincu, étonnera mon auditoire comme il m’a étonné moi-même), Carnot affirme, à plusieurs reprises, que loin d’être un gouffre où tous les trésors de l’État allaient sans cesse s’engloutir, les nombreuses forteresses du royaume, depuis l’origine de la monarchie, depuis la fondation des plus anciennes, n’ont pas autant coûté que la seule cavalerie de l’armée française en vingt-six ans ; et veuillez le remarquer, à la date du mémoire de Carnot, vingt-six ans s’étaient précisément écoulés sans que notre cavalerie eût tiré l’épée.

Eh bien ! Messieurs, devenu membre de l’Assemblée législative, l’ardent avocat des places de guerre proposa, non pas, quoi qu’on en ait dit, la destruction complète des fortifications spéciales indépendantes, adossées à ces places, et qu’on