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au défrichement des bois, au desséchement des marais. Les places de guerre ne leur paraissent jamais complètes ; chaque année, ils ajoutent de nouvelles et dispendieuses constructions à celles que les siècles y avaient déjà entassées ; l’ennemi aurait, sans aucun doute, beaucoup à faire pour franchir tous les fossés, tous les défilés étroits et sinueux, toutes les portes crénelées, tous les ponts-levis, toutes les palissades, toutes les écluses destinées aux manœuvres d’eau, tous les remparts, toutes les demi-lunes que réunissent les forteresses modernes ; mais en attendant un ennemi qui ne se présentera peut-être jamais, les habitants d’une cinquantaine de grandes villes sont privés, de génération en génération, de certains agréments, de certaines commodités qui rendent la vie douce et dont on jouit librement dans le plus obscur village.

Au reste, ce n’est pas de ma bouche que sortiront jamais de rudes paroles de blâme contre des préoccupations, si même préoccupations il y a, qui seraient inspirées par le plus noble des sentiments, par l’amour de l’indépendance nationale en toutes choses cependant il faut une certaine mesure ; l’économie poussée à l’extrême, n’est-ce pas la hideuse avarice ? La fierté ne dégénère-t-elle point en orgueil la politesse en afféterie ; la franchise en rudesse ? C’est en pesant dans une balance exacte le bien et le mal attachés à toutes les créations humaines qu’on se maintient dans la route de la vraie sagesse ; c’est ainsi que malgré l’empire de l’exemple et de l’habitude, que malgré l’influence, ordinairement si puissante de l’uniforme, l’officier du génie Carnot étudia toujours les graves problèmes de fortification.

En 1788, des militaires français, enthousiastes jusqu’au dé-