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succédaient sans relâche. L’écolier suivait, avec une attention soutenue, la série d’événements qui se déroulaient devant lui ; mais tout à coup il se lève, il s’agite et, malgré les efforts de sa mère, il interpelle, en termes à peine polis, un personnage qui venait d’entrer en scène. Ce personnage était le général des troupes auxquelles le jeune Carnot s’intéressait par ses cris, l’enfant avertissait le chef inhabile que l’artillerie était mal placée, que les canonniers, vus à découvert, ne pouvaient manquer d’être tués par les premiers coups de fusil tirés du rempart de la forteresse qu’on allait attaquer ; qu’en établissant, au contraire, la batterie derrière certain rocher qu’il désignait de la voix et du geste, les soldats seraient beaucoup moins exposés. Les acteurs interdits ne savaient que faire ; Mme Carnot était désolée du désordre que son fils occasionnait la salle riait aux éclats ; chacun cherchait dans sa tête l’explication d’une espiéglerie si peu ordinaire et la prétendue espiéglerie n’était autre chose que la révélation d’une haute intelligence militaire, le premier symptôme de cet esprit supérieur qui, dédaignant les routes battues, créait, quelques années plus tard, une nouvelle tactique ; et proposait de remplacer les fortifications si artistement, si ingénieusement combinées de Vauban, par un tout autre système.

De douze à quinze ans, Carnot suivit les cours du collége d’Autun. Il s’y fit remarquer par une tournure d’esprit vive, originale, et par une rare intelligence. Ensuite il entra au petit séminaire de la même ville. À seize ans, Carnot avait achevé sa philosophie. La fermeté que nous trouverons en lui, dans le cours de la plus orageuse carrière, était déjà alors le trait dominant de son caractère. Les