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l’Institut se parait d’un titre qui avait été enlevé à son premier protecteur et à son ami.

Je n’ai jamais cru, Messieurs, qu’il fût utile de créer, aux dépens de la vérité, des êtres d’une perfection idéale ; et voilà pourquoi, malgré quelques bienveillants conseils, j’ai persisté à divulguer ce que vous venez d’entendre sur la nomination du général Bonaparte à l’Institut. Au reste, dans votre bouche, me disait un napoléoniste quand même, l’anecdote est sans gravité tout le monde ne sait-il pas que les astronomes cherchent des taches dans le soleil ! Ainsi, Messieurs, ma position m’aura donné le privilége de dire la vérité sans blesser personne, ce qui, par parenthèse, est infiniment rare !

Je regrette de n’avoir pu découvrir le nom du généreux citoyen qui arracha Carnot à sa retraite et le conduisit heureusement dans sa chaise de poste jusqu’à Genève.

Arrivé dans cette ville, Carnot se logea chez un blanchisseur, sous le nom de Jacob. La prudence lui commandait une retraite absolue ; le désir d’avoir des nouvelles certaines de sa chère patrie l’emporta ; il sortit, fut reconnu dans la rue par des espions du Directoire qui s’attachèrent à ses pas, découvrirent sa demeure, et la firent immédiatement surveiller. Des agents français, accrédités auprès de la république de Genève, poussèrent hautement le cri d’extradition, et portèrent même officiellement cette demande au gouvernement génevois. Le magistrat aux mains duquel tomba d’abord la pièce diplomatique était, heureusement, un homme de coeur et de conscience, qui sentit toute l’étendue de la flétrissure qu’on voulait infliger à son pays. Ce magistrat s’appelait M. Didier. À cette place, Messieurs, ce serait un crime de ne