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les mieux affilés, mais bien la circonférence de cercle douée d’une perfection idéale, mais bien une courbe sans épaisseur, sans aspérités d’aucune nature. À cette courbe, menons par la pensée une tangente. Dans le point unique où la tangente et la courbe se toucheront, elles formeront un angle qu’on a appelé l’angle de contingence. Cet angle, dès l’origine des sciences mathématiques, a été l’objet des plus sérieuses réflexions des géomètres. Depuis deux mille ans, il est rigoureusement démontré qu’aucune ligne droite, partant du sommet de l’angle de contingence, ne saurait être comprise entre ses deux côtés, qu’elle ne saurait passer entre la courbe et la tangente. Eh bien je le demande l’angle dans lequel une ligne droite infiniment déliée ne pourrait pas s’introduire, ne pourrait pas s’insinuer, qu’est-ce autre chose, si ce n’est un infiniment petit ?

L’angle de contingence infiniment petit, où aucune ligne droite ne saurait être intercalée, peut cependant comprendre entre ses deux côtés des milliards de circonférences de cercle, toutes plus grandes que la première. Cette vérité est établie sur des raisonnements d’une évidence incontestable et incontestée. Voilà donc, au cœur même de la géométrie élémentaire, un infiniment petit, et, ce qui est encore plus incompréhensible, un infiniment petit susceptible d’être fractionné tant qu’on veut ! L’intelligence humaine était humiliée, abîmée devant de pareils résultats mais enfin c’étaient des résultats, et elle se soumettait.

Les infiniment petits que Leibnitz introduisit dans son calcul différentiel excitèrent plus de scrupules. Ce grand géomètre en distinguait de plusieurs ordres ceux du second étaient négligeables à côté des infiniment petits du pre-