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de se mesurer avec les grands problèmes dont la solution exige des années d’efforts continus et persévérants, Carnot choisit ces questions difficiles, mais circonscrites, qui peuvent être prises, abandonnées et reprises à bâtons rompus qu’un esprit élevé et susceptible d’une forte contention développe et approfondit, sans papier, sans crayon, à la promenade, au milieu des agitations de la foule, pendant les gaietés d’un repas et les insomnies d’une nuit laborieuse il dirigea enfin ses méditations vers la métaphysique du calcul. Aujourd’hui de telles recherches seraient, je le crains, peu goûtées cependant, qu’on se reporte aux époques où les études mathématiques firent graduellement surgir tant de natures diverses de quantités, et l’on verra toutes les appréhensions qu’elles inspirèrent à des esprits rigides, et l’on reconnaitra que, sur beaucoup de points, c’est l’habitude plutôt que la vraie science qui nous a rendus plus hardis.

Parmi les quantités que j’ai entendu désigner, les irrationnelles se présentèrent d’abord. Les anciens évitèrent de s’en servir avec un soin scrupuleux ; les modernes eussent bien désiré aussi n’en point faire usage ; mais elles vainquirent par leur foule, dit l’ingénieux auteur de la Géométrie de l’infini.

Aux quantités qui n’étaient pas numériquement assignables, succédèrent les quantités impossibles, les quantités imaginaires, véritables symboles dont on essayerait vainement de donner, je ne dis pas des valeurs exactes, mais encore de simples approximations. Ces imaginaires, on les combine néanmoins aujourd’hui sans scrupule, par addition, par soustraction on les multiplie, on les divise les unes par les autres comme des quantités réelles ; en fin de compte, les imagi-