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direction à peu près souveraine des affaires militaires, elle n’attendait de lui que les mesures méthodiques, réglementaires, compassées d’un fournisseur ou d’un intendant d’armée ! Non, non ! personne n’a pu se rallier de bonne foi à de semblables idées.

Ne croyez pas, néanmoins, que je dédaigne les services administratifs de Carnot. J’admire, au contraire, leur noble simplicité. Il n’y avait alors, en effet, dans son ministère, ni cette inextricable filière de paperasses que la plus petite affaire exige de nos jours ; ni ce réseau, si artistement tissu, où tout se lie, depuis le garçon de bureau jusqu’au chef de service, d’une manière si serrée, si intime, que la main la plus ferme, la plus hardie, ne saurait se flatter d’en rompre ou d’en séparer les éléments. Alors le chef responsable prenait une connaissance directe et personnelle des dépêches qui lui étaient adressées ; alors les conceptions de l’homme d’élite n’étaient pas exposées à périr sous les coups d’une multitude de médiocrités envieuses ; alors un simple sergent d’infanterie (le jeune Hoche) ne travaillait pas seulement pour les cartons poudreux des archives, lorsqu’il composait un mémoire sur les moyens de pénétrer en Belgique ; alors la lecture de ce travail inspirait à Carnot cette exclamation prophétique « Voilà un sergent d’infanterie qui fera son chemin. » Alors le sergent, suivi de l’œil dans toutes ses actions, devenait coup sur coup, et dans l’espace de quelques mois, capitaine, colonel, général de brigade, général de division et général en chef ; alors une classe peu nombreuse de la société n’était pas seule investie du privilége de fournir les chefs de nos armées alors, en fait comme en droit, chaque soldat avait des lettres de commandement dans sa giberne une action d’é-