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troubles, Carnot se fit exclusivement l’homme de la nationalité.

Le rôle était beau, mais non pas sans danger. Robespierre surtout s’en montrait jaloux. S’être emparé, s’écriait-il, dans une de ses harangues, de toutes les opérations militaires, c’est un acte d’égoïsme ; refuser obstinément de se mêler des affaires de police intérieure c’est se ménager des moyens d’accommodement avec les ennemis du pays. Je suis désolé, disait-il à Cambon dans une autre circonstance, je suis désolé de ne rien comprendre à l’entrelacement de lignes et de teintes que je vois sur ces cartes. Ah si j’avais étudié l’art militaire dans ma jeunesse, je ne serais pas forcé, toutes les fois qu’il s’agit de nos armées, de subir la suprématie de l’odieux Carnot. Cette animosité datait de l’époque où notre confrère blâma le coup d’État (en tant que coup d’État) sous lequel succomba la Gironde. Vers le même temps, Saint-Just l’accusa de modérantisme, et demanda qu’il fût mis en jugement pour avoir, à l’armée du Nord, refusé d’apposer sa signature sur l’ordre d’arrestation du général O’Moran. Carnot sortait toujours sain et sauf de ces terribles épreuves non par un sentiment de justice ou d’affection, mais parce que chacun, ami comme ennemi, reconnaissait l’impossibilité de le remplacer utilement, dans sa spécialité militaire, par tout autre conventionnel !

De pareilles relations, entre les membres d’un même conseil, sembleront aujourd’hui fabuleuses ! Est-ce ma faute à moi si notre patriotisme débile ne peut pas concevoir toute l’étendue des sacrifices que s’imposèrent nos pères pour sauver le pays ?

Au premier rang de ces sacrifices, je n’ai pas hésité, vous