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si décidées ; mais de mesquines considérations d’amour-propre s’évanouiront toujours à mes yeux devant le sentiment du devoir. Or, je le demande, ne blesserais-je pas profondément la conscience publique, si, même dans cette enceinte consacrée aux arts, aux lettres, aux sciences, je me bornais à parler de l’académicien Carnot ? Sans doute, en déroulant devant vous la longue série de découvertes de tel ou tel savant illustre revêtu durant sa vie du titre de sénateur, on a pu légitimement, très-légitimement s’écrier que la postérité ne garderait aucun souvenir de fonctions sans portée, et qui d’ailleurs, de dégradation en dégradation, avaient fini par se réduire à des communications mensuelles avec la trésorerie mais ce serait un acte antinational un acte d’ingratitude, que d’appliquer de telles paroles à la grande ombre de Carnot. On le désire, on le veut, on l’ordonne presque eh bien ! j’y consens ; je ne parlerai pas du drame dont le dénoûment fut la mort tragique du successeur de cent rois et le renversement de la monarchie ; cependant, moi partisan décidé de l’abolition de la peine de mort, je n’aperçois pas les prétendues difficultés de position qui m’auraient empêché de m’abandonner ici publiquement aux inspirations de ma conscience ; je ne devine pas mieux pourquoi je me serais abstenu de rendre aussi cette enceinte confidente de l’aversion profonde que je professe pour tout arrêt politique rendu par un corps politique. Faut-il le dire, enfin, une fraternelle sollicitude pour la mémoire de Carnot ne me paraissait pas exiger le sacrifice qui m’est imposé. A-t-on oublié tout ce que l’histoire contemporaine m’aurait fourni de documents accusateurs contre les mille courtisans dont les manœuvres intéressées, hypocrites, antinationales,