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après, voyaient à la tête de l’émigration Qu’on ose ensuite appeler notre révolution de 1789 un effet sans cause, un météore dont rien n’avait dû faire prévoir l’arrivée ! Les transformations morales de la société sont assujetties à la loi de continuité ; elles naissent, grandissent comme les produits du sol, par des nuances insensibles.

Chaque siècle développe, discute, s’assimile en quelque sorte des vérités ou, si l’on veut, des principes dont la conception appartenait au siècle précédent ; ce travail de l’esprit passe ordinairement inaperçu du vulgaire ; mais quand le jour de l’application arrive, quand les principes réclament leur part d’action, quand ils veulent pénétrer dans la vie politique, les intérêts anciens, n’eussent-ils à invoquer en leur faveur que cette même ancienneté, s’émeuvent, résistent, combattent, et la société est ébranlée jusque dans ses fondements. Le tableau sera complet, Messieurs, si j’ajoute que, dans ces luttes acharnées, ce ne sont jamais les principes qui succombent.

Carnot, comme je l’ai déjà remarqué, avait à peine effleuré dans son éloge la partie technique des travaux de Vauban mais, dans les quelques phrases qu’il écrivit à ce sujet, il s’avisa de dire que certain vulgaire ignorant se faisait de la fortification une idée erronée en la réduisant à l’art de tracer sur le papier des lignes assujetties des conditions plus ou moins systématiques. Ces paroles, dans leur généralité, semblaient devoir passer inaperçues ; un malheureux concours de circonstances leur donna une importance qui n’était ni dans les prévisions, ni surtout dans les désirs de l’auteur. En 1783, un général d’infanterie membre de cette Académie, M. le marquis de Montalembert, publia,