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Je viens de vous parler de l’homme ; voici maintenant le ministre.

Au combat de Messenheim (1800), près d’Inspruck, Championnet remarque l’audace, l’intrépidité du colonel Bisson, et demande pour lui, aux applaudissements de toute l’armée, les épaulettes de général de brigade. Les semaines s’écoulent, et le grade n’arrive pas. Bisson s’impatiente, se rend à Paris, obtient un rendez-vous du ministre, et, dans sa colère, l’apostrophe d’une manière brutale. Jeune homme, lui répond Carnot avec calme, il est possible que j’aie commis une erreur ; mais vos inconvenantes manières pourraient, en vérité, m’ôter l’envie de la réparer. Allez ! je vais examiner attentivement vos services. – Mes services ! Ah ! je sais trop bien que vous les méprisez, vous, qui du fond de ce cabinet, nous envoyez froidement l’ordre de mourir. À l’abri du péril et de la rigueur des saisons, vous avez déjà oublié et vous oublierez encore que notre sang coule, et que nous couchons sur la dure. – Colonel, c’en est trop ! Dans votre propre intérêt, notre entretien ne doit pas continuer sur ce ton-là. Retirez-vous. Votre adresse, s’il vous plaît ? Allez ! dans peu vous aurez de mes nouvelles.

Ces dernières paroles, prononcées d’un ton solennel, dessillent les yeux du colonel Bisson. Il court chercher des consolations auprès d’un ami dévoué, le général Bessières. Celui-ci, au contraire, lui fait entrevoir un conseil de guerre comme la conséquence inévitable de son étourderie. En attendant, Bisson se cache. Un serviteur fidèle va, d’heure en heure, à l’hôtel chercher l’ordre de comparution tant redouté. Le paquet ministériel arrive, enfin ; Bisson, tout ému, en déchire l’enveloppe. Le paquet, Messieurs, renfer-