Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 22.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

possible au titre de Français ; c’est donc comme Français qu’il traversa de nouveau et si tristement le grand fleuve jusqu’auquel il avait eu l’insigne honneur de porter nos frontières, et il se rendit à Varsovie.

Dans certain pays peu éloigné du nôtre, l’étranger est toujours accueilli avec cette formule sacramentelle : « Ma maison et tout ce qu’elle renferme sont à vous ;  » mais il n’est pas rare, je dois le dire, qu’au même moment et d’un geste que les domestiques comprennent à merveille, le propriétaire improvisé soit pour toujours consigué à la porte de l’habitation qu’on venait de lui offrir si libéralement. La réception de Carnot en Pologne ne doit pas être rangée dans cette catégorie. Nos excellents amis les braves Polonais ne se bornèrent pas, envers l’illustre proscrit, à de simples formules de politesse. – Le général Krasinski lui porta le titre d’un majorat en terres de 8,000 francs de rente qu’il tenait de Napoléon ; le comte de Paç voulait lui faire accepter la jouissance de plusieurs domaines. Quoique Carnot ne fiit pas franc-maçon, toutes les loges maçonniques du royaume firent une souscription qui produisit une somme considérable enfin, et de toutes ces offres qu’il refusa, celle-cri alla le plus droit au cœur de Carnot, un Français, pauvre lui-même, établi à Varsovie depuis longues années, alla un matin lui apporter dans un sac le fruit des épargnes de toute sa vie.

L’âpreté du climat de la Pologne, le désir de se rapprocher de la France, déterminèrent notre confrère à accepter les offres bienveillantes du gouvernement prussien ; il s’établit à Magdebourg, où il a passé ses dernières années dans l’étude, dans la méditation et en compagnie d’un de ses fils