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lui, en latin, avec une puissance de dialectique, avec une facilité, une grâce, une élégance d’expressions dont Carnot et l’auditoire furent d’autant plus étonnés, qu’aucune indiscrétion, jusque-là, n’avait même fait soupçonner que Mme l’Homme eût porté ses lectures plus loin que la Cuisinière bourgeoise, l’Almanach de Liége et le Petit Paroissien.

Carnot s’était tellement pénétré, je ne dis pas seulement du principe religieux, mais encore, ce qui n’est pas la même chose, des minutieuses pratiques de dévotion scrupuleusement suivies au petit séminaire d’Autun, que plusieurs de ses parents eurent un moment la pensée de le faire entrer dans les ordres. Ils étaient fortifiés dans cette idée par le souvenir d’un grand nombre de dignitaires ecclésiastiques dont cette honorable famille pouvait se glorifier, et parmi lesquels figuraient des chanoines, des vicaires généraux du diocèse de Châlons, des docteurs en Sorbonne et un abbé de Cîteaux. La carrière du génie militaire prévalut cependant, et le jeune Carnot fut envoyé à Paris dans une école spéciale où il devait se préparer aux examens. Les camarades qu’il trouva dans cet établissement n’avaient certainement pas été élevés au séminaire ; car la piété profonde du nouvel écolier, et dont au reste il se serait bien gardé de faire mystère, devint le sujet de leurs continuels sarcasmes. Des sarcasmes ne sont pas des raisons Carnot n’en fut donc point ébranlé mais il sentit le besoin de mûrir, par la réflexion et l’étude, des idées, des sentiments auxquels son âme candide et pure s’était jusque-là abandonnée avec charme et sans nulle défiance. La théologie devint ainsi, pendant quelques mois, l’unique occupation d’un apprenti-officier. Personne aujourd’hui ne pourrait dire quel fut l’effet de ces