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ÉLOGE HISTORIQUE

poudre par jour qu’on en voulut seize ; à peine en eut-on seize qu’on en voulut trente ; et, en effet, on était parvenu, comme je viens de le dire, à en fabriquer jusqu’à trente-cinq milliers par jour, lorsqu’une explosion terrible détruisit tout.

M. Chaptal avait eu beau représenter que, pour porter ainsi la fabrication journalière de la poudre de huit milliers à seize, de seize à trente, il fallait multiplier, en proportion, le nombre des bâtiments intérieurs ; que, dès lors, ils n’étaient plus suffisamment espacés entre eux ; et qu’une étincelle, partie d’un seul point, s’étendrait à tous : on n’écouta rien ; le système général était alors de tout forcer, et les ordres du Comité de salut public furent inflexibles.

Vers l’époque dont il s’agit, M. Chaptal fut nommé professeur à l’École polytechnique. C’était, pour lui, revenir à ses fonctions les plus chères. À la vérité, bientôt appelé à d’autres emplois, il ne put y faire que quelques leçons ; mais ce peu de leçons y a laissé des souvenirs durables.

On s’y rappelle surtout cette leçon éloquente où le professeur, après avoir retracé cette suite étonnante de vérités nouvelles qui venaient de changer la face de la chimie, termina par ces mots : « Eh bien ! toutes ces grandes découvertes, c’est à Lavoisier que nous les devons ! » Que l’on se reporte, par la pensée, à ce moment si voisin de celui où ces grandes découvertes venaient d’être interrompues par une mort à jamais déplorable, et l’on se fera une idée de l’impression que durent produire ces mots du professeur. Il raconte lui-même que, à ce nom de Lavoisier, un frémissement général s’empara de son auditoire ; qu’il se vit un moment interrompu ; que le nom immortel qu’il venait de prononcer était dans toutes les bouches. Beau mouvement qui honore le professeur,