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dations nombreuses, qu’on aurait pu croire très-puissantes. Mais ses tentatives furent inutiles il ne fut pas même introduit. C’est alors qu’il adressa à celui dont il venait solliciter le suffrage une lettre fort remarquable sur les principes généraux de la mécanique, et dont M. Laplace m’a, plusieurs fois, cité divers fragments. Il était impossible qu’un aussi grand géomètre que d’Alembert ne fût point frappé de la profondeur singulière de cet écrit. Le jour même, il appela l’auteur de la lettre, et lui dit, ce sont ses propres paroles : « Monsieur, vous voyez que je fais assez peu de cas des recommandations ; vous n’en aviez pas besoin. Vous vous êtes fait mieux connaître ; cela me suffit : mon appui vous est dû. » Il obtint, peu de jours après, que Laplace fût nommé professeur de mathématiques à l’Ecole militaire de Paris. Dès ce moment, livré sans partage à la science qu’il avait choisie, il donna à tous ses travaux une direction fixe dont il ne s’est jamais écarté : car la constance imperturbable des vues a toujours été le trait principal de son génie. Il touchait déjà aux limites connues de l’analyse mathématique, il possédait ce que cette science avait alors de plus ingénieux et de plus puissant, et personne n’était plus capable que lui d’en agrandir le domaine. Il avait résolu une question capitale de l’astronomie théorique. Il forma le projet de consacrer ses efforts à cette science sublime : il était destiné à la perfectionner, et pouvait l’embrasser dans toute son étendue. Il médita profondément son glorieux dessein ; il a passé toute sa vie à l’accomplir avec une persévérance dont l’histoire des sciences n’offre peut-être aucun autre exemple.

L’immensité du sujet flattait le juste orgueil de son gé-