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années, et ses efforts ont été couronnés par des découvertes immortelles.

On remarqua, dès ses premières études, qu’il était doué d’une mémoire prodigieuse : toutes les occupations de l’esprit lui étaient faciles. Il acquit rapidement une instruction assez étendue dans les langues anciennes, et cultiva diverses branches dans la littérature. Tout intéresse le génie naissant, tout peut le révéler. Ses premiers succès furent dans les études théologiques ; il traitait avec talent et avec une sagacité extraordinaire les points de controverse les plus difficiles.

On ignore par quel heureux détour Laplace passa de la scolastique à la haute géométrie. Cette dernière science, qui n’admet guère de partage, attira et fixa son attention.

Dès-lors il s’abandonna sans réserve à l’impulsion de son génie, et sentit vivement que le séjour de la capitale lui était devenu nécessaire. D’Alembert jouissait alors de tout l’éclat de sa renommée. C’est lui qui venait d’avertir la cour de Turin que son académie royale possédait un géomètre du premier ordre, Lagrange, qui, à défaut de ce noble suffrage, aurait pu rester long-temps ignoré. D’Alembert avait annoncé au roi de Prusse qu’un seul homme en Europe pouvait remplacer, à Berlin, l’illustre Euler, qui, rappelé par le gouvernement de Russie, consentit à retourner à St.-Pétersbourg. Je trouve, dans les lettres inédites que possède l’Institut de France, les détails de cette glorieuse négociation qui fixa Lagrange à la résidence de Berlin.

C’est vers le même temps que Laplace commençait cette longue carrière qu’il devait bientôt illustrer.

Il se présenta chez d’Alembert, précédé de recomman-