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M. Abel de Christiana, dont la mort prématurée est une des plus grandes pertes que les sciences pouvaient éprouver[1]. Par un singulier hasard, Abel et M. Jacobi à peu près du même âge et inconnus l’un à l’autre, ont débuté en même temps dans la carrière des sciences, par de profondes investigations sur un même sujet, dont un seul géomètre s’occupait depuis long-temps ; et plusieurs fois, il leur est arrivé de parvenir aux mêmes résultats, quoique les voies qu’ils ont suivies fussent très-différentes.

Dans son premier Mémoire sur les fonctions elliptiques, publié en 1827 dans le journal de M. Crelle, Abel eut l’heureuse idée de renverser la question et de considérer l’amplitude comme une fonction de l’intégrale, contrairement à ce qu’on avait fait jusque là. Il démontre que le sinus de l’amplitude est une fonction de l’intégrale qui a deux périodes distinctes, l’une réelle, comme le sinus d’un arc de cercle, et l’autre imaginaire, comme les fonctions exponentielles ; ce qui est une découverte capitale, propre à jeter un grand jour sur la nature des fonctions elliptiques, et qui fait connaître la signification des racines réelles ou imaginaires des équations algébriques que l’on obtient en égalant à zéro ou à l’infini, le sinus et d’autres fonctions trigonométriques de l’amplitude. L’auteur en conclut diverses expressions de ces fonctions en produits et en séries infinies, que M. Jacobi a obtenues ensuite par un moyen tout différent, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Le même mémoire renferme aussi pour une amplitude quelconque, la

  1. Les géomètres français sauront gré à M. Abel d’avoir écrit ses ouvrages dans notre langue, et à M. Jacobi d’avoir fait usage du français ou du latin.