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de m. le comte de fleurieu.

efforts heureux par lesquels notre marine se relevait de la décadence où l’avait d’abord fait tomber une longue insouciance, et bientôt après replongée une guerre malheureuse.

Cette considération, que les hommes ne sont jamais assez injustes pour refuser à celui qui sans montrer aucune ambition se borne à être utile, était pour M. de Fleurieu la plus douce récompense, et le dédommageait du sacrifice continuel qu’il faisait de ses goûts et de son temps. S’il ne pouvait tenter de nouvelles découvertes, ou porter la lumière dans le cahos des découvertes anciennes, il pouvait diriger ceux que leur zèle et la confiance du souverain appelaient à d’honorables missions. Personne n’ignore aujourd’hui que M. de Fleurieu eut la plus grande part aux instructions données à l’infortuné La Peyrouse et au navigateur non moins malheureux qui fut chargé d’aller à sa recherche et de compléter les découvertes et les reconnaissances qu’il n’avait pu terminer.

La confiance publique, qu’il avait si bien méritée, l’appela au ministère dans ces temps de fermentation où l’inquiétude générale faisait souhaiter de voir en première ligne ceux que l’ancien ordre avait retenus dans des places secondaires. Mais ces mêmes troubles, qui les tiraient de leur paisible obscurité, rendaient bien dangereuse pour eux la justice tardive qui leur était rendue. Il fallait un dévouement bien généreux pour accepter des places où l’insubordination des agens réduisait à l’impuissance d’opérer aucun bien, en exposant au hasard de compromettre sa réputation ou de décréditer des plans et des mesures qui dans des temps plus calmes eussent été suivis des plus importans succès. Nommé au ministère de la marine, .M. de Fleurieu n’osa se refuser à cette marque d’estime ; mais animé d’une probité trop scrupuleuse pour consentir à se charger de fonctions qu’il n’aurait pas eu quelque espoir de remplir selon ses vœux, il insista pour que les colonies formassent un ministère à part.