Nous dirons seulement que le parti pris par l’anonyme, de refondre en entier le livre d’Euclide, d’intervertir l’ordre des propositions, d’en changer souvent l’énoncé qu’il trouve obscur, faux, ou du moins équivoque ; enfin de ne conserver aucune des démonstrations de l’auteur grec, que ce parti extrême nous paraît la critique la plus sévère qu’on ait jamais faite de l’ouvrage. Nous ajouterons encore que le soin mis par l’anonyme à éclaircir toutes ses démonstrations par des exemples numériques, après avoir soutenu contre Stévin l’inutilité des nombres, pourrait être regardé comme une espèce de contradiction, ou du moins comme une concession assez importante qu’il fait à son adversaire. Nous ne dirons rien de l’amertume ni du ton de supériorité et de mépris avec lequel il traite un mathématicien qui a laissé un nom, et dont Lagrange a parlé d’une manière fort honorable. Au reste, l’anonyme ne fait aucun usage de l’algèbre, mais son ouvrage fait sentir à chaque pas l’avantage qu’aurait la notation algébrique sur les constructions qu’il emploie, et même sur les nombres qu’il donne pour exemples ; car s’il a pu réduire à 62 les 118 propositions d’Euclide, l’algèbre pourrait bien réduire les siennes à une douzaine, ce qui serait encore beaucoup si l’on voulait ne conserver que ce qui serait indispensable.
Mais laissons cet examen tout-à-fait étranger à la nouvelle traduction, dont nous avons à rendre compte, revenons au travail de M. Peyrard, qui n’a pris aucun parti dans cette dispute. Il n’a promis qu’un texte pur et une double traduction ; et pour rendre plus sensible l’ordre qui règne dans ce livre et l’enchaînement des parties qui le composent, il se borne, dans sa préface, à rassembler en un tableau l’énoncé des 117 propositions et les définitions qui sont de trois ordres, dont chacun suppose la connaissance de l’ordre précédent. Les premières sont fort simples et universellement connues. Les secondes arrivent après