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cl
éloge

vie, et il profita avec habileté de cet intérêt pour réaliser ses vues en faveur de son art.

Pour réhabiliter la chirurgie, il ne s’agissait de rien moins que de la faire pratiquer par des hommes éclairés, ou d’éclairer ceux qui la pratiquaient. Engager les médecins à faire la chirurgie eût été au-dessus du crédit de Lapeyronie ; il était plus simple de faire apprendre la médecineauxchirurgiens : c’est à quoi il se décida. Mais ce moyen, le plus simple, n’était pas encore très-aisé à faire admettre ; et, si l’on se fût aperçu de toute l’étendue de son plan, la Faculté de médecine n’aurait pas manqué de mettre tout en œuvre pour le faire échouer ; car non-seulement il devait soustraire les chirurgiens à la suprématie des médecins, mais il était presque impossible que la destruction de la Faculté n’en fût la conséquence plus ou moins prochaine. Et, en effet, la Faculté actuelle n’est que l’ancien collége de chirurgie, renforcé de quelques médecins.

Aussi Lapeyronie procéda-t-il par degrés et avec une rare prudence.

Son premier pas avait été de faire établir un enseignement méthodique de l’art, et des sciences sur lesquelles il repose. Dès 1724, il avait obtenu l’érection de cinq chaires au collège de chirurgie de Paris.

Il voulut engager ensuite les chirurgiens à des discussions savantes ; l’académie de chirurgie fut érigée en 1731.

Devenu, en 1736, premier chirurgien du roi, il tenta un troisième pas, celui qui pouvait éprouver le plus de difficultés de détail. C’était d’obliger les élèves en chirurgie à se préparer par l’étude des lettres et de la philosophie. Des lettres-patentes de 1743 les astreignirent à se faire recevoir maîtres-ès-arts.

Ce fut alors que le jeune Tenon se vit obligé de recommencer en quelque sorte son éducation ; car à peine pouvait-il écrire quelques lignes correctement, mais il savait prendre une résolution, et la suivre : il s’opiniâtra si bien à ce travail, qu’au bout