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de charles bossut.

c’est que dans son Essai, il s’était interdit de parler des auteurs vivans, au lieu qu’en conduisant son histoire jusqu’à nos jours, il devait trouver des juges plus difficiles à satisfaire. Sans nier absolument la justesse de sa remarque, il faut convenir aussi que les raisons par lesquelles il justifie quelques omissions paraissent assez faibles. Les lecteurs les plus désintéressés ont dû voir que plusieurs ouvrages modernes n’y étaient pas appréciés avec un soin proportionné à leur importance. L’auteur, qui avait exposé avec intérêt les discussions entre Newton et Leibnitz, les démêlés plus récens des deux protecteurs de la jeunesse, Clairaut et d’Alembert, s’était trouvé plus gêné en parlant d’auteurs pour lesquels il n’avait peut-être pas les mêmes affections. Cette gêne se fait sentir dans ce qu’il laisse apercevoir, comme dans ce qu’il supprime, et cette partie de l’ouvrage était véritablement à refondre. Son grand âge et ses infirmités lui interdisant l’espérance de faire mieux et d’être plus heureux, il pense que son ouvrage est de nature à être perfectionné par des successeurs plus capables de remplir ses propres intentions.

Ses intentions étaient d’être juste, mais il voulait qu’on le fût à son égard, comme il se proposait de l’être pour les autres. Il convient, dans un manuscrit qu’il nous a fait remettre, qu’il a toujours eu une roideur de caractère « qui lui a souvent nui auprès de ceux qui ne le connaissaient que superficiellement. Il n’accordait pas facilement sa confiance ; il croyait en général les hommes dissimulés et trompeurs ; mais quand il croyait pouvoir s’abandonner à la franchise naturelle de son ame, il mettait dans le commerce de la vie une effusion de sentimens vrais qui lui ont fait une foule d’amis dévoués, sur-tout dans le corps militaire du génie. Il abhorrait les charlatans de toute espèce, nous dit-il encore, et quelquefois il avait eu l’imprudence ou la maladresse de leur donner à connaître son opinion. Mais il cherchait par-tout le vrai mérite ; il était obligeant, et il