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faculté s’exerçant tour à tour à l’exclusion des autres, détourne à son profit toutes les forces vives de l’économie. Elle accapare ce que j’appellerais volontiers le budget virtuel des autres fonctions. Elle acquiert ainsi une aptitude qu’elle ne saurait posséder pendant la veille avec ses occupations multiples.

Qui de nous n’a pas été frappé de la profondeur des vues de l’esprit, de la rapidité du raisonnement, des formes élégantes que revêtent les idées pendant le sommeil, lorsque toutes ces opérations ne rencontrent pas des causes de déviation dans les éléments de cette vie par trop intérieure. Combien d’œuvres remarquables ont été au moins ébauchées dans des rêves ! N’est-ce pas en rêvant que Voltaire a composé tout un chant de sa Henriade ? La fameuse sonate du Diable de Tartini n’a-t-elle pas été aussi l’œuvre du sommeil ?

C’est surtout dans le noctambulisme que cette aptitude se montre dans toute sa puissance, parce que la raison y conserve mieux ses droits, et parce que les idées peuvent y recevoir une existence matérielle. C’est ainsi qu’un accès de ce genre nous a procuré une des plus délicieuses fables de La Fontaine, une des plus belles comme sentiment, Les deux pigeons.

Cet isolement de l’âme qui fait qu’elle peut se livrer toute entière à la poursuite d’une idée ou à la réalisation d’une œuvre, existe dans le magnétisme comme dans le somnambulisme. Là, se trouve la clef de tous ces pro-