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le maître de la France. Enfin, un mois plus tard, en juillet 1358, Étienne Marcel était sur le point de lui livrer Paris et de le faire proclamer roi de France, lorsque la mort empêcha le prévôt des marchands d’accomplir ses desseins. Ce mauvais, ce pervers, ayant alors perdu tout espoir, fit bon marché de ses prétentions personnelles. Il s’allia avec Édouard III, s’engageant à le seconder dans la conquête du royaume[1].

Mais j’arriverai tout à l’heure au règne de Philippe VI et au long et sanglant drame qui s’appelle la guerre de Cent ans. Je voudrais seulement, pour en finir avec l’avènement de Philippe V, signaler au lecteur, dans ce conflit d’ambitions et d’intrigues, la précaution bien remarquable que prennent les principaux intéressés d’appuyer leurs prétentions sur l’avis d’assemblées délibératives. Philippe a ses états ou semblants d’états, son Université de Paris. Agnès délibère avec ses clercs et ses lais, ses « sages ». Elle demande un jugement de la cour des pairs largement garnie. Enfin, il n’est pas jusqu’à Eudes lui-même qui, prenant, en janvier 1317, une attitude équivoque et louche, n’essaye de la justifier (en fort beaux termes) sur un avis ambigu donné par les prélats, barons, nobles, religieux et clergé, bourgeois, sergents et majeurs, procureurs des chapitres et bonnes villes de ses terres, auxquels il a même adjoint quelques sages du dehors (et plusour autre saige deſſors[2]). Chacun fait appel à l’opinion. Chacun tient à prouver qu’il a pour lui le bon droit.

  1. Froissart, édit. Kervyn, t. VI, p. 43, 65, note ; Continuateur de Nangis, dans Géraud, Chronique de G. de Nangis, t. II, p. 269, 274. Cf. Cadier, art. Charles II, dit le Mauvais, dans La Grande Encyclopédie, t. X, p. 741 et suiv. « Le roi Louis dit Hutin avoit transporté à Edouart le droit que il y avoit. » (Traité par Jean Juvénal des Ursins, copie du XVIIIe siècle, Bibl. nat., ms. fr. nouv. acq. 741, fol. I,2.) Joignez Secousse, Mémoires pour servir à l’histoire de Charles II... surnommé le Mauvais, p. 301, note b ; 311, 318 et suiv.
  2. Lettre d’Eudes du 10 janvier 1317, dans Annuaire-Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1864, 2e partie, p. 70.