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Ainsi, l’oncle ne ressentait plus en 1318 les scrupules, d’ailleurs assez légers, qu’il avait éprouvés, ce semble, en 1316 et en 1317. Il renonçait cette fois pour une enfant mineure, sans réserver, comme en 1316, la pleine liberté des résolutions que celle-ci pourrait prendre au jour de sa majorité. Eudes épousa peu après[1], avec dispense du pape, la fille du roi. Il tenait le prix du traité par lequel il avait définitivement abandonné sa nièce et rompu ses alliances[2]. Le mariage de l’héritier du comte de Flandre avec Marguerite fut réalisé en 1320[3]. De trois adversaires redoutables le roi de France s’était fait trois alliés. Le duc de Bourgogne était devenu le gendre du roi. Le comte de Flandre et le comte de Nevers[4] étaient devenus, l’un l’aïeul par alliance, l’autre le beau-père d’une fille du roi. Ainsi les filles du roi avaient efficacement servi à déposséder la nièce du roi.

On le voit, l’histoire des successions litigieuses au trône de France s’ouvre par la reconnaissance indirecte, mais deux fois répétée, des droits des femmes. Si je m’exprime ainsi, c’est parce que j’estime qu’on ne peut renoncer qu’à des droits existants. Celui qui n’a aucun droit ne saurait abandonner son droit. La seconde de ces renonciations est entachée d’une flagrante illégalité ; car elle se produit comme absolue et définitive, quoique

    le Mauvais, p. 14. Voir le texte du traité dans Secousse, Recueil de pièces servant de preuves aux Mémoires sur les troubles excités en France par Charles II dit le Mauvais, p. 6, 7.

  1. Secousse, Mémoires, p. 16. Chronique parisienne anonyme, 2e partie, dans Mém. de la Société de l’histoire de Paris, t. XI, p. 33, 34.
  2. « Lidit duc et nobles de Champagne, toutes aliénées qu’il avoient entre eus, quittent et delessent et du tout s’en départent. » (Secousse, Recueil, p. 9.)
  3. Chronique parisienne anonyme, 2e partie, dans Mém. de la Soc. de l’hist. de Paris, t. XI, p. 49.
  4. Le traité d’alliance conclu en septembre 1317 entre Philippe le Long et le comte de Nevers décèle suffisamment à lui seul l’état d’hostilité antérieur. (Leibnitz, Codex juris gentium diplom., p. 100, no 49.)