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l’opinion de la petite noblesse et négociait avec les grands feudataires. Ses commissaires dans les provinces tenaient aux nobles confédérés avec le peuple ou sur le point de se liguer avec lui des discours politiques, s’efforçant tout ensemble de persuader et d’intimider, promettant le renouvellement des privilèges anciens, rappelant que le peuple est un allié dangereux, car « il prise peu les nobles, » invitant, d’ailleurs, au nom du roi, tous les mécontents à rompre les alliances qu’ils auraient pu contracter et leur remontrant « les granz inconvenienz, perilz de cors et d’âmes, dommages de biens temporels qui s’en ensivroient et pourroient ensuivre et desjà sont ensuivis[1] ». Avec les grands feudataires le roi concluait des marchés. Dès le mois de mars 1317, il avait su gagner le comte de la Marche, son frère, en lui faisant de très beaux avantages : érection du comté de la Marche en pairie, don au même prince, en accroissement d’apanage, des châteaux et villes de Niort, Montmorillon, Fontenay, etc. Je remarque que, dans cet acte, Philippe rappelle au comte Charles ses droits éventuels au trône de France, si le roi ne laisse que des filles[2] : cette perspective est toujours séduisante. Louis d’Évreux et le comte de la Marche s’engagent d’ailleurs, par un instrument distinct, à reconnaître les droits de l’enfant mâle qui pourrait naître du roi[3]. Avec le comte de

  1. Archives nationales, JJ. 55, fol. i ro. Une chronique parisienne anonyme semble même indiquer que le roi se rendit lui-même dans plusieurs villes pour négocier : ses délégués auraient parlé pour lui dans les lieux qu’il ne pouvait visiter : « Pour la quelle chose Philippe le roy de France plusieurs citez de son royaulme visita et illec les cueurs du menu peuple et lez citoyens de Paris si eust en telle maniere à luy adjoint que, non pas seullement ceux de Paris, mais toutes les aultres communes de son royaulme de France luy promirent à faire aide et secours et garantie encontre toutez gens et especiaulment contre les barons aliez, se en aucune manière meussent contre luy guerre. » (Hellot, Chronique parisienne anonyme, 2e partie, dans Mém. de la Soc. de l’hist. de Paris, t. XI, p. 27.)
  2. Archives historiques du Poitou, t. XIII, p. 44-46, no 218.
  3. Servois, dans Annuaire-Bulletin de la