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fesseurs de l’Université d’avoir voulu donner satisfaction à Philippe le Long, tout en évitant avec intention cette formule absolue qui pouvait embarrasser peut-être certains théologiens[1].

Cependant l’adhésion de l’assemblée de Paris et celle de l’Université ne ressemblaient nullement au jugement des pairs après débat contradictoire, à ce jugement qu’avait réclamé, en décembre, la duchesse Agnès. Le 10 avril 1317, elle lança encore une fois, au nom de Jeanne, une protestation solennelle. L’enfant revendique la succession de son père. La jeune héritière invoque le droit divin, canonique et civil, « les coutumes et usages gardés en royaumes, empires, paieries, principautés et baronnies ». Son droit a été reconnu, dit-elle, par une assemblée de clercs et de laïques réunis à cet effet. Elle sollicite encore une fois un débat contradictoire. Il faut qu’un arrêt soit rendu, sur le vu des raisons de chaque partie, par les pairs de France, « appeliez avec aus des saiges et des bons dou reaulme de France, tant clerz comme lais ». Cette protestation avait été rédigée dans l’assemblée des nobles de Champagne tenue à Esnon, près de Joigny[2]. Elle ne fut pas entendue. Philippe, qui avait déjà intimé à l’enfant, ou plutôt à ses tuteurs, l’ordre de lui rendre hommage, arma ses places fortes[3] et se prépara à la guerre. Dans le même temps, il travaillait par ses agents

  1. Je songe au chapitre xxvii des Nombres, où le droit héréditaire des filles de Salphaad est solennellement reconnu et où le droit (secondaire) des filles, en général, est proclamé par Moïse. Ce texte semble avoir, au xve siècle, embarrassé les avocats consultants favorables au roi de France. L’Université de Paris y aurait-elle songé au commencement du xive siècle ?
  2. Géraud, Chronique latine de Nangis, t. I, p. 431-434 ; Biblioth. de l’École des chartes, t. XLV, p. 74-78 ; Guillaume du Breuil, Style du Parlement, éd. Lot, Paris, 1877, p. 31 ; Jourdain, Index chartarum, no 432, p. 93.
  3. Voir les curieux documents relatifs au capitaine que le roi va placer dans chaque ville de France. (Ordonnances, t. I, p. 635 et 636, note ; Archives nationales, JJ. 55, fol. 4 vo ; Hervieu, Recherches sur les premiers états généraux, p. 122-133.)