Page:Mémoires de l'Institut national de France (tome 34, partie 2 - 1895).djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deviendront — c’est l’honneur du moyen âge — les représentants attitrés de l’opinion. Ils seront, dans le cours du siècle qui s’ouvre et au commencement du suivant, au xve siècle, tout à la fois les porte-voix et souvent les modérateurs du peuple de Paris. Mais, en 1317, ils ne sont encore autre chose qu’un instrument docile aux mains du roi. Quels arguments firent donc valoir ces docteurs ? Ils n’invoquèrent pas la Loi Salique. Ils n’invoquèrent pas davantage ce principe : « Les filles sont exclues du trône de France. » Ils s’appuyèrent sur une considération pieuse fort inattendue : entre Philippe et le vénéré saint Louis on ne compte que deux intermédiaires, Philippe le Bel et Philippe le Hardi, tandis qu’entre Jeanne et saint Louis on en compte trois. Voilà pourquoi l’oncle doit être préféré à sa nièce. Argument à double tranchant ; car il pourra se retourner un jour contre le fils de Philippe le Long. Les docteurs l’ont senti, et, pour parer à cet inconvénient, ils reconnaissent à l’avance le fils du nouveau roi[1]. (Cet enfant mourut presque aussitôt.) Tout cela est puéril. Cette adhésion n’est fondée sur aucun principe de droit public. Les raisons invoquées sont visiblement artificielles. Ces maîtres ne se recommandent ni par le caractère et la dignité, ni par la solidité de la doctrine.

Un chroniqueur, résumant pour la postérité les décisions de l’assemblée de février 1317, a trouvé une formule très simple et très nette, beaucoup plus heureuse que les raisonnements des docteurs : « Tunc etiam declaratum fuit quod ad coronam regni Franciæ mulier non succedit[2]. » Je soupçonne les pro-

  1. Voir Servois, Documents inédits sur l’avènement de Philippe le Long, dans Annuaire-Bulletin de la Société de l’histoire de France, 1864, 2e partie, p. 44 ; Denifle et Châtelain, Chartul. Universit. Paris., t. II, i, p. 197, no 737. Le fils de Philippe le Long s’appelait Louis. Il mourut en bas âge le 18 février 1317. (Servois, ibid., p. 59.)
  2. Continuateur de Nangis, dans Géraud, Chronique latine de Guillaume de Nangis, t. I, p. 434.