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reste indécis et incertain en face de ce problème irritant, il connaît du moins aujourd’hui tout le détail des machinations savantes dont je parlais à l’instant, machinations par lesquelles la fille de Louis X, enfant de quatre ans à la mort de son père, fut privée du trône. Suivons ici de près l’ordre chronologique. C’est le meilleur moyen de débrouiller cet écheveau un peu emmêlé.

Arrivé à Paris et maître du Louvre, Philippe avait à compter avec les princes de sa maison et les seigneurs féodaux, que soulevait, en ces temps-là, un puissant courant de réaction aristocratique et auxquels devait sourire le règne d’un enfant. L’un d’eux et non le moins puissant, Eudes, duc de Bourgogne, était l’oncle maternel de Jeanne, la fille de Louis X, et son protecteur naturel. Son intérêt l’engageait évidemment à soutenir les droits de cette enfant. Philippe parvint à conclure avec Eudes de Bourgogne une convention d’attente que ratifièrent les autres seigneurs. Voici les clauses essentielles de ce traité : Si la reine accouche d’une fille et que, par suite, la postérité du roi se compose de deux filles, ces deux filles sont exclues du trône de France. Cette exclusion toutefois n’est pas définitive. Les deux filles pourront au jour de leur majorité (si tost comme elles… seront venues à droit aaige de marier) ressaisir leur droit à la couronne[1]. Satisfaction, pour ainsi dire platonique, accordée

  1. Les parties contractantes accordent aux deux filles, dont l’une est à naître, le royaume de Navarre et les comtés de Champagne et de Brie ; voici à quelle condition : « en tele manière qu’elles feront quittance parmi tant de tout le remanant dou roiaume de France et de la descendue dou père… Et se il ne lor plaisoit à faire quittance, elles revendrient à lour droit tel comme elles le puent et doivent havoir en toute la descendue dou père et lour en sera fait droit et seront sauves les raisons d’une partie et d’autre. » Philippe tiendra le gouvernement… « jusques à tant que ladite Jehanne et la fille de ladite Clemance soient venues à lour aaige… Et doit lidiz Philippe recevoir les homaiges comme gouverneur, sauf le droit de l’oir masle en toutes chouses, et sauf le droit des filles, en tant comme à elles puet ap-