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sa femme enceinte. Cette succession donna lieu, nous disent les historiens modernes, à la première application de la Loi Salique. La vérité est que, au moment de l’ouverture de cette succession litigieuse, des négociations fort curieuses s’engagèrent, où fut indirectement reconnu le droit des femmes à la couronne de France. Il est bien vrai que ces négociations sont au fond, de la part de Philippe le Long, des manœuvres savantes dirigées contre la postérité née ou à naître de Louis X ; mais les traités dont je parle n’en contiennent pas moins la reconnaissance virtuelle du droit des femmes à la couronne. Le régent y rend un hommage involontaire au droit qu’il cherche à étouffer. Ces manœuvres réussirent. L’oncle sut se substituer à sa nièce.

Le sang de Philippe le Bel coulait très pur dans les veines de cet autre Philippe. Intelligent et ambitieux, avide et retors, tour à tour alerte et brutal, Philippe le Long était, comme son père, « moult attrempé ». C’est lui qui, chargé de surveiller l’élection du successeur de Clément V, ne se contenta pas d’obéir à des prescriptions canoniques assez récentes, en enfermant les cardinaux dans le couvent des Frères Prêcheurs de Lyon, portes murées et ouvertures bien gardées, mais qui, renchérissant sur les règles portées par Grégoire X, donna l’ordre d’enlever la toiture de l’édifice où siégeaient les cardinaux, trop lents à son gré ; de sorte que le conclave se termina à ciel ouvert[1]. C’est

  1. Chronographia regum Francorum, éd. Moranvillé, 1, p. 230, 231. Philippe n’a pas le mérite de l’invention : ce procédé extra-canonique avait déjà été employé une fois avant lui. Il faut ajouter que, d’après une chronique latine citée par Bertrandy, c’est par surprise que Philippe de Poitiers obtint la réunion des cardinaux : « Rogavit singulos convenire penes Fratres Prædicatores, ubi missam defunctorum pro fratre suo faceret decantari ; et illi venerant ; et tune, ut vir providus, fecit claudi monasterium et ita custodiri quod non potuerunt exire donec in quendam consenserunt. » (Bertrandy, Recherches historiques sur l’origine, l’élection et le couronnement du pape