Page:Mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse - 1901 - tome 1.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
71
toulouse en 1764

« Vinkelman, Giblin, dont j’ignorais jusqu’aux noms, Bailli, que ne secondiez-vous l’enthousiasme dont je me sens transporté en fouillant les vieilles murailles, cherchant des médailles, des débris de vase, tout m’est bon. Mon ignorance satisfaite, c’est autant de déroché aux études médicinales. Elles entraient mal dans ma tête ; on apprend mal ce qui ennuie.

« Ne rien lire et promener beaucoup fut la réponse d’un philosophe interrogé sur la manière de former un homme. Horace voulait que chacun vive dans sa peau. Mon Rabelais, que j’aime pour son érudition, sa liberté et sa franche gayeté, s’étonne des traveaux dont on s’accable, des veilles du génie, et tout cela pour la tripe. Comment s’égarer lorsqu’on a de tels guides ? Rien, au reste, ne paraissait aussi ridicule que cette savanture inutile et présomptueuse, qu’on prend pour la science même ; échange de mensonges et d’agitation en sens contraire, de tourmens et de contrainte pour passer le temps et pour savoir vivre à la manière de la société, qui exige et met à contribution ceux qui peuvent l’amuser.

« Ces réflexions sages ou folles, comme on voudra les appeler, me tenaient lieu de société et d’argent. J’ai depuis déploré la perte de cinq à six années les plus propres à cultiver l’esprit. Je répondais alors à ceux qui n’étaient pas de mon avis : que faut-il à l’abeille ? une ruche et des fleurs, et le vide si sapis de Martial. En résultat, j’allais ainsi devant moi, sans projets, sans soucis, jouissant de deux grands biens, l’indépendance et la paix. Jamais je ne me suis trouvé plus près du bonheur ! Dans cette impuissance de penser à l’avenir, sachant m’amuser d’un arbuste, d’un insecte, jouissant d’un beau jour de printemps, ce secret contentement, je ne dois pas l’oublier, écartait toute ambition de gloire, de réputation ou de fortune. Les erreurs ont prolongé ma jeunesse, heureuses erreurs ! Elles devaient bientôt cesser, en avançant dans la carrière de la vie d’un pauvre ermite.

« … Toloze avait un Capitole, des amphithéâtres, des