Page:Mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse - 1901 - tome 1.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
toulouse en 1764

hasard prescrit l’usage du cresson pour toute nourriture, le malade étant guéri s’empressa de témoigner sa reconnaissance au savant docteur. Celui-ci, dans l’étonnement, pour connaître l’effet de son remède, l’attache et le dissèque[1] ! Tant d’incertitudes, de cruautés, d’ignorance révoltent. Des noms pédantesques, des expressions mystérieuses, imaginaires, occupent ; la passion du merveilleux fermente dans toutes les têtes doctorales et ne s’accordent sur rien, nous laissant, de compte fait, 2 789 maladies.

« … Il faut en croire Sydenham. L’Hypocrate anglais avoue que les médecins curantur in libris, moriuntur in lectis. Chaque année voit naître un nouveau système et un nouveau remède, les adopter et les proscrire : l’émétique, le quinquina ont eu leur vogue. On a écrit contre la saignée et versé des flots de sang humain. D’impitoyables phlébotonistes ont été combattus : on revient par amandement aux sang-suës. Les Grecs n’avaient qu’un même nom pour exprimer remède et poison, pharmaco. Jusqu’ici, la chimie a peu concouru aux progrès de la médecine. Que n’a-t-elle pas cherché pour accréditer ses folies ? les pharmacopées chargées de recettes barbares, de mille horreurs, attestent la démence des charlatans. N’ont-ils pas recommandé, comme spécifiques, les crotins de chien, album canis, et ceux des rats, l’urine, le crâne humain, les excrémens, les crapeaux, les vipères, le besouard, le sang de bouquetin, la corne du pied d’élan, les testicules du castor, les cloportes, plusieurs poissons, puis, dans les végétaux et les minéraux, l’or, les pierres précieuses, l’arsenic, la ligue, le stramonium, la belle donne,  etc.

« L’anatomie a fait de nos jours les plus étonnans progrès ; cependant les plus savans anatomistes ignoreront longtemps encore l’harmonie, les rapports, l’organisation particulière des organes ; jusqu’aujourd’hui ils n’ont vu que

  1. Cette histoire macabre, mais qui après tout peut être aussi authentique que bien d’autres, a été en dernier lieu reprise et définitivement fixée par Villiers de L’Isle-Adam. (L.-G. Pelissier, Un Conventionnel oublié, Annales du Midi, 1899, p. 292, note  1.)