Page:Mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse - 1901 - tome 1.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
séance publique.

Même conclusion si nous partons de ce principe qu’il faut aller du simple au composé. On disserte souvent sur la valeur pédagogique comparée des littératures antiques et des littératures modernes. La difficulté est insoluble si nous nous bornons à nous demander lequel l’emporte d’Homère ou de Shakespeare, de Virgile ou de Milton, d’Euripide ou de Racine. Nous n’avons aucun étalon pour mesurer le génie, et à ce point de vue la querelle des anciens et des modernes est aussi interminable qu’oiseuse. La solution n’est pas là. Les grandes œuvres de l’antiquité sont presque toutes simples ; les grandes œuvres modernes, à peu d’exceptions près, sont complexes. J’ai vu des enfants de huit ou neuf ans prendre grand plaisir à la lecture d’une traduction d’Homère ; les drames de Shakespeare sont non pas un chaos, mais un dédale. Quand vous enseignez le dessin à un débutant, vous le mettez en présence d’un dessin au trait, ou, si vous préférez, d’un objet aux lignes très simples et très nettes qu’il dessinera au trait, non d’un tableau riche de couleurs et où fourmillent des personnages étagés sur des plans divers. Dans ce qui nous reste de la peinture ancienne le trait domine le relief, il domine la couleur. Il n’en est guère autrement dans la littérature. Les grands traits de l’histoire contemporaine ne peuvent encore être dégagés.

Nous pouvons appliquer à l’étude de l’histoire ce que M. Émile Faguet dit de celle des lettres : « Les horizons lointains élargissent l’esprit par cela seuls qu’ils sont lointains. » Le collège est accusé de trop favoriser la myopie physique ; n’y fabriquons pas aussi des myopes intellectuels[1].

Je sais l’objection qu’on ne manque jamais de faire : une revue la formulait récemment ainsi : « Les jeunes gens qui sortent du lycée sont d’ordinaire plus ferrés sur la guerre de Trente ans que sur la guerre de 1870. On leur a longue-

  1. M. Duruy (même Instruction) recommande bien de voir les faits « de haut et de loin » ; mais comment voir de loin des événements qui viennent de s’accomplir ? Quelle lorgnette donner aux professeurs et aux élèves pour qu’ils regardent par le gros bout ?