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l’histoire contemporaine.

L’argument aura peu de poids auprès de ceux qui donnent à l’enseignement secondaire une portée purement utilitaire. En voici d’autres qui les toucheront peut-être davantage :

Dans l’impossibilité où nous nous trouvons de faire tout embrasser à l’esprit de l’adolescent jusqu’à dix-sept ou dix-huit ans, âge auquel il quitte le collège, ne devons-nous pas songer avant tout à lui fournir des connaissances certaines, précises, à lui faire savoir ce qui est entré dans le domaine de la science ? Or, l’histoire contemporaine n’est pas une science : ce ne peut guère être qu’une compilation. L’importance relative des faits récents nous échappe ; tel qui aujourd’hui passe presque inaperçu se révélera peut-être beaucoup plus significatif, beaucoup plus gros de conséquences que tel autre qui nous paraît infiniment plus digne d’être retenu. La multiplicité des détails que nous ne pouvons encore éliminer nous empêche de saisir l’ensemble ; la vue des arbres nous cache la forêt. Bien plus, les événements contemporains nous sont souvent moins bien connus que les faits plus anciens ; les archives diplomatiques n’ont pas livré leurs secrets ; les grandes affaires judiciaires, qui de tout temps ont eu dans la vie des peuples une importance presque égale à celle des guerres et des lois, n’ont pu être encore l’objet d’un examen froidement impartial. On ne sera probablement, il est vrai, jamais fixé sur les dessous de la conjuration de Catilina ; le procès du chancelier Bacon est toujours l’objet de controverses ; l’affaire des empoisonnements sous Louis xiv a été, il y a peu de temps, éclairée par des documents nouveaux ; un livre vient de paraître, ces jours derniers, sur celle du Collier. Mais au moins peut-on discuter à leur sujet de sang froid et sans que mille préjugés, mille passions viennent se mettre à la traverse et troubler les intelligences les plus rassises. Ce qui change à chaque instant doit être sagement relégué au second plan[1].

  1. « Au lycée, on ne fait pas de la science nouvelle, on donne la science faite et éprouvée. » (Instruction du 24 sept. 1863.) M. Duruy fournissait lui-même les meilleurs arguments à ses adversaires.