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séance publique.

triotes qui reportent jusqu’aux luttes du Moyen-âge leurs ressentiments rétrospectifs, qui se glorifient de Bouvines et s’affligent d’Azincourt — ou à l’inverse s’affligent de Bouvines et se glorifient d’Azincourt — il est certain que des blessures encore saignantes sont bien plus douloureuses que des cicatrices séculaires. Aux griefs réels s’en ajoutent facilement d’imaginaires. Au point de vue de la paix extérieure comme à celui de la concorde intérieure donc, mieux vaut bannir des matières à enseigner à la jeunesse tout ce qui est politique actuelle. N’est-ce pas d’ailleurs, chose trop variable, changeante ? Quand j’étais lycéen, on n’avait pas assez de commisération pour la Pologne, assez de malédictions pour la Russie. La génération suivante a été élevée dans le fort de nos rancunes contre l’Allemagne ; aujourd’hui c’est l’Angleterre qui est l’objet de nos défiances[1]. À qui, demain, le tour ?

Laissons de côté ces premières considérations, si sérieuses soient-elles. D’autres encore militent contre le système inauguré par M. Duruy. Il en est une que fait valoir également M. de Laprade : « Il avait semblé jusqu’ici, disait-il, que dans une éducation libérale, les années de collège étaient destinées à enseigner à l’enfant les choses sur lesquelles on ne revient guère, une fois les examens subis, et qu’on devait laisser en dehors des études scolaires tout ce qui s’apprend plus tard par le simple usage de la vie, comme l’histoire contemporaine et la politique. Combien de bacheliers ayant négligé, pour se préparer sur le règne de Napoléon, les grandes époques classiques de l’histoire, auront-ils le courage d’étudier ces époques une fois leur examen subi ? C’est donc l’ignorance de l’histoire qui a été décrétée dans le nouveau programme, tout en laissant la vie de l’écolier aussi chargée de labeurs par le fait de l’enseignement historique[2]. »

  1. Depuis quelque temps, hâtons-nous de l’ajouter, on insiste un peu moins sur l’histoire des guerres et l’histoire diplomatique pour appuyer davantage sur celle de la civilisation.
  2. Ouv. cité, pp. 269-270.