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l’histoire contemporaine.

séance la suite de ses développements. Je ne sais ce qui advint plus tard. Il ne s’agissait là, paraît-il, que d’une plaisanterie d’élèves ; c’eût pu être une fâcheuse réalité. M. de Laprade n’était-il pas dans le vrai, avec quelque exagération toutefois dans l’expression, quand il écrivait : « Contraindre nos fils à subir comme parole de maître une explication officielle des événements dont nos pères ont été les acteurs, auxquels nous avons pris part nous-mêmes, c’est un des attentats les plus graves que l’on ait commis contre nos droits de citoyens, contre la liberté de nos enfants[1]. »

L’Association toulousaine de la Paix par le Droit en voudrait à son vice-président si celui-ci n’abordait un ordre d’idées voisin. Je disais tout à l’heure qu’on ne refuse plus guère à l’histoire une bonne place dans l’enseignement secondaire. Il y a pourtant encore des voix dissidentes. M. Fouillée, dans un article tout récent, intitulé L’échec pédagogique des lettrés et des savants, s’exprime ainsi : « L’histoire exacte, l’histoire historique, l’histoire des historiens, qu’on a prétendu transporter dans l’éducation, est profondément triste, parce qu’elle n’est guère qu’un prolongement de l’histoire animale. Comme celle-ci est le tableau de la lutte pour la vie et de la domination des espèces les unes sur les autres, ainsi l’histoire humaine raconte la lutte des hommes et des sociétés pour la vie, l’exploitation de l’homme par l’homme, d’une race par une autre, d’une classe par une autre. Elle est l’épopée de la violence triomphante. C’est à force de crimes, de fourberies, de trahisons et de violations de traités qu’on a fait le royaume d’Angleterre, l’empire d’Allemagne — et le royaume de France[2]. » — « L’histoire, avait déjà dit lord Overton, à quoi sert-elle ? à empêcher les peuples de vivre unis en ressuscitant les vieilles inimitiés. » Certes, pour les moralistes et les pacifiques ces reproches sont graves ; ils ne s’adressent pas seulement à l’histoire contemporaine, mais c’est encore à elle qu’ils peuvent le plus justement s’adresser. S’il est chez tous les peuples d’Occident de fervents pa-

  1. L’Éducation libérale, 1873, p. 270.
  2. Revue politique et parlementaire, 10 mars 1901, pp. 472-473.