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Le premier recensement officiel date de la fin du dix-septième siècle : on l’appela « dénombrement » comme à Rome. Il n’accusa pas plus de 19 millions. Les statistiques de 1748 à 1750 s’arrêtent à une évaluation de 15 millions, 16 au plus. Ces statistiques sont pleines d’incertitudes, nous l’admettons. Quels sont les procédés de dénombrement ? Ses évaluations sont-elles basées sur le nombre des mariages, sur celui des naissances, sur les tables de la mortalité, sur les rôles de la capitation, sur les cotes de la consommation ? En supposant qu’on ait rassemblé tous ces moyens, on n’a certainement pas obtenu l’exactitude mathématique. Mais est-il possible qu’un pays se dépeuple dans de telles proportions ? Le fait n’est pas complètement inexact cependant ; les recherches des économistes sur les causes d’une pareille calamité le prouvent. Ils en découvrirent de fort singulières. Par exemple, voici un homme d’État qui observe que, vingt ans après la guerre de succession, il manque un âge dans la population de son département : « On n’y trouvait presque point d’hommes depuis trente-cinq jusqu’à quarante-cinq ans[1]. »

Donc, on peut affirmer que pendant plusieurs siècles la France n’a pas cessé de se dépeupler de la plus lamentable façon. Elle se dépeuple moins aujourd’hui puisque nous voici remontés, avec le recensement du 28 mars 1896, à 38 517 975 habitants, ce qui représente une densité de 12 habitants par hectare, c’est-à-dire que nous sommes aussi nombreux que nos pères au temps de César. Et les mêmes causes subsistent cependant, ou se sont reproduites, sans parler de quelques autres d’un ordre très particulier, telles que ces fameuses ligues malthusiennes, importation anglaise et hollandaise, dont M. Robin, de Cempuis, s’est fait le propagateur en France.

Le mouvement ascensionnel qui nous conduit à ce résultat de 38 millions a commencé à se manifester entre 1775 et 1780. L’évaluation remonte, alors, dans l’espace d’un

  1. Voir Moheau, ch. xiii, pp. 251-256.