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DE SUZON.


ce préjugé en venant au monde ? Non ! la preuve que j’en puis donner, c’eſt que ma petite république prenoit le plus grand plaiſir aux jeux que j’avois imaginé ; avant qu’on lui en eût fait concevoir de l’horreur, & que dans la ſuite aucun enfant ne vouloit plus venir avec moi.

Cependant Dieu a fait naître tous les hommes avec les mêmes inclinations & les mêmes deſirs ; en voulant les corriger, nous les détruiſons preſqu’entiérement, & les remplaçons par des vices qui dégradent & déshonorent l’humanité. À qui donc enfin ce maudit préjugé doit-il ſa naiſſance ? Au premier homme, qui, pour être différent des autres, foula ſous les pieds les loix ſacrées de la nature. Ne vaudroit-il pas mille fois mieux reſſembler aux ſauvages, qui ſont erans & vagabonds dans les déſerts, ſans loix, ſans uſages & ſans préjugés ces fléaux du genre humain ? Ils coulent des jours heureux & tranquilles. L’opprimé a-t-il jamais habité ſous