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DE SUZON.


décider mon choix, étoit encore un avantage qu’ils avoient ſur le Pere Polycarpe, dont toute la perſonne reſſembloit à un ſatyre. En un mot, il me ſembloit plus propre à faire peur qu’à plaire. À préſent que je raiſonne, je juge bien différemment : un homme, fût-il plus laid qu’un diable, doit l’emporter ſur ſes rivaux quand on a lieu de ſoupçonner qu’il a abondamment tout ce qui eſt néceſſaire pour contenter une femme.

Je déteſtois ce vilain Moine à tel point, que j’étois jalouſe des careſſes que ma mere lui faiſoit. Pluſieurs raiſons m’avoient fait concevoir de la haine contre lui : premierement, ſon air dur & méchant ; enſuite, il ne paroiſſoit jamais à la maiſon que je ne fuſſe condamnée à une ſorte de punition qui me déplaiſoit beaucoup. Je ne ſavois à quoi attribuer ce châtiment qu’on me faiſoit ſubir toutes les fois qu’il nous rendoit viſite ; & je le regardois comme une injuſtice criante. À la vérité, il étoit bien dur pour moi d’être