Page:Mémoires de Suzon soeur de D. B., 1778.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée
38
MÉMOIRES


gination qu’en avoit ma mere, pour redreſſer la cheville ouvriere du Pere Supérieur : encore ſe trouvoit-elle fort heureuſe, quand après un aſſaut plus fatigant que voluptueux, ils arrivoient au terme déſiré. La pure reconnoiſſance étoit donc la baſe de leur liaiſon ? Non, l’intérêt ſeul entretenoit leur commerce.

La paſſion de Toinette (c’étoit le nom de ma mere) pour les hommes, ne l’aveugloit pas au point de traiter ſans diſtinction tous ceux qui lui rendoient viſite.

Un Moinillon, par exemple, étoit ſi mal reçu chez elle, qu’il n’oſoit s’y préſenter deux fois. Il n’en étoit pas de même d’un Supérieur, & ſur-tout d’un Procureur de Couvent. L’argent qu’ils recevoient, ſoit pour faire dire des Meſſes, ſoit pour faire du bien aux pauvres, étoit employé à acheter ſes faveurs.

Je crois même que ma mere ſe ſeroit laſſée à la fin du mets frugal que lui ſervoit le Pere Alexandre, ſi elle n’eût eu ſoin d’appaiſer ſon appétit dévorant avec cinq ou ſix autres per-