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MÉMOIRES


prendre la même route que lui. Un Officier, ne pouvant retenir la demangeaiſon qu’il avoit de parler, dit à voix haute : mon Révérend, vous ne nous aviez pas prévenus que vous vouliez enrôler cette belle enfant pour votre Couvent. Si vous n’étiez pas Moine, je vous demanderois raiſon de l’inſulte que vous me faites à moi & à tous mes compagnons de voyage. Le Cordelier cherchoit plutôt à s’éloigner, qu’à répondre à tous les brocards qu’on lui lâchoit : les autres Moines ne diſoient rien, mais paroiſſoient enrager de m’avoir couchée en joue, & de me voir tirée par un autre. Pour moi, je ne fis mes adieux à toute la compagnie que par une profonde révérence.

Tout en gagnant le Village, mon Moine me dit qu’il alloit me conduire chez une de ſes pénitentes, & qu’il la prieroit de me loger juſqu’à ce que j’euſſe meublé une maiſon. Il me pria d’afficher beaucoup de vertus vis-à-vis de cette femme, afin de ſauver les apparences.