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de ces dames ne voulurent pas les accompagner. Je fis ce que je pus pour me dispenser d’être de cette partie : j’étois trop mal à mon aise. J’aurois donné tout au monde pour voir sur-le-champ M. d’Épinay et le confondre. Ce fut même dans l’espérance de le trouver au bal que je me déterminai à y aller. Il n’y étoit pas. Vous ne croiriez pas que je finis par m’enivrer de la gaieté, du bruit et des efforts que je faisois pour vaincre mes tristes réflexions, et que je m’amusai. J’étois, je l’avoue, plus piquée qu’affligée. Il y a comme cela des moments dont on ne sauroit rendre raison, où le cœur prend son parti ; mais c’est pour peu de temps : voilà le mal. Pour en revenir au bal, nous y restâmes jusqu’à quatre heures ; nous y fîmes enrager Francœur[1]. Je ne

    En 1776, elle fut débarrassée de l’administration, et, en 1780, du privilège, mais elle paya les dettes de l’entreprise. L’Opéra fut, depuis lors jusqu’à la Révolution, dirigé par un comité que nommait le roi.


    Nous avons dit plus haut qu’il y avait un corps de danse à la Comédie-Française et un autre à la Comédie-Italienne. Celle-ci, appelée d’Italie par le régent, s’était installée dans l’hôtel de Bourgogne, rue Mauconseil, le 18 mai 1716, et jouait par extraordinaire à la foire Saint-Laurent, qui s’ouvrait le 16 juin et durait jusqu’à la Saint-Denis.

  1. François Francœur, né à Paris le 22 septembre 1698 et mort le 6 août 1787. Dès son enfance il se lia d’amitié avec François Rebel qui fut encore meilleur musicien que lui et qui devint chevalier de Saint-Michel. On ne les appelait que « les petits violons. » Il entra en 1710 à l’orchestre de l’Opéra et en 1736 en fut nommé inspecteur conjointement avec Rebel. Au mois de mars 1757 il prit avec lui pour trente ans le bail du théâtre. (Journal de Collé, t. II, p. 177), après s’être raccommodé avec Rameau, gloire et tyran de la musique de son temps, à qui ils firent une pension de 1500 livres. L’anarchie était alors à son comble à l’Opéra et on en faisait dériver la cause de l’imbécillité du prévôt des marchands, M. de Bernage.

    Francœur avait eu précédemment des aventures ; il avait épousé en 1730 une fille d’Adrienne Le Couvreur, à qui d’Argental, « les anges » de Voltaire, était chargé de donner une dot de 60,000 livres. Il ne paraît pas que le ménage fut heureux, car au mois de mai 1751 (Journal de Barbier, t. II, p. 156), il est l’amant de cœur de la Pélissier, et, à ce titre,